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ANTONIO LAVIERI

Sous l'invocation de Pindare. Variations méditerranéennes sur le traduire

Abstract

Lorsque Valéry, en décrivant son « expérience méditerranéenne », évoque les Grecs, il ne se limite pas à souligner ce qu’il a de brutal et de sanglant dans la mythologie, la poésie et la tragédie des anciens. Génératrice des formes et mère d’Aphrodite, la mer Méditerranée, ce vaste lac salé qui borde trois mondes dissemblables, est surtout un « regard sur le possible ». Du distique de la troisième Pythique de Pindare – que Valéry appose, sans traduction, en exergue du Cimetière Marin – à la parole essentiellement méditerranéenne de Protagoras – qui fait de l’homme la mesure des choses – , nous pouvons suivre la naissance et la cohérence d’un parcours qui nous conduit sous le hêtre de Tityre, au surgissement d’une véritable poétique de la traduction. Dans le continuum entre « pensée pensante » et « pensée chantante », écrire, décrire et traduire se construisent, chez Valéry, comme des opérations cognitives ancrées dans la sensibilité subjective du possible. Un horizon s’ouvre ainsi sur le corps du sujet, où l’épistémologique rejoint l’éthique et le politique pour interroger l’horrible boucherie des migrants dans les abîmes de la Méditerranée, et tenter de traduire, par les yeux de l’intellect, leur disparition et leur mémoire : « Non, chère âme, à la vie immortelle / n'aspire, mais épuise le champ du possible ».